Les truffières du Diamant Noir du Vaucluse
Pépites des paysages magnifiques du Vaucluse, les truffières les marquent par leurs alignements réguliers, l’alternance des feuillages, le jeu subtil des ombres et lumières. Si leur point d’orgue est au cœur de l’hiver, entre décembre et mars, l’activité dans les truffières couvre les quatre saisons. Suivez-nous dans une exploration des truffières du Diamant Noir. Photographies Philippe Durand Gerzaguet
Rustrel
Les truffières de Jean Marie Dutto
Les truffières animent les plus beaux lieux du Vaucluse, ici le Colorado provençal.
Chênes verts, chênes blancs et falaise d’ocre. Sol calcaire et écosystème solaire, les truffières de Rustrel signent en beauté les paysages du Nord Luberon.
Le travail du trufficulteur ne se limite pas à planter puis à caver les truffes. Il intervient toute l’année pour tailler ses arbres et apporter l’eau nécessaire en été.
Les chênes sont taillés tous les ans et les tuyaux d’irrigation courent au sol en prévision de l’été.
Pernes les Fontaines
Pierre Cunty et Pépite
Le chêne, l’arbre truffier roi de Provence. Alternance des différentes essences de chênes : le chêne vert, le chêne pubescent (ou chêne blanc), le chêne kermes.
Au pied des chênes, le «brûlé» caractéristique de l’arbre producteur : l’herbe disparait sous l’action du mycélium truffier. Les truffes seront toujours dans ce brulé, le trufficulteur le sait, mais le chien travaille uniquement à l’odeur.
Dans le parler ancien, on appellait ces brûlés des ronds de sorcières ou des cercles de fées.
La Tour d’Aigues
Jean Paul Dessaud et Parma
Au sud du Grand Luberon, Parma parcourt la truffière de chênes verts, les yeuses, loin devant le trufficulteur qui attend que le chien marque pour intervenir.
Le chien travaille au vent, la tête un peu levée pour capter le filet d’arôme que le courant d’air porte. Il est capable de détecter une belle truffe à plus de 20 mètres.
Si le cavage avec le cochon n’est plus pratiqué de nos jours, il reste des adeptes du cavage à la mouche. Il s’agit de repérer le vol d’une petite mouche brune qui se pose, pour pondre, à la verticale des truffes. Il n’y a alors qu’à creuser.
Saint Didier
Benoit Michelet et son lagotto
Dès le matin, s’il ne gèle pas, le trufficulteur part «caver» avec son chien, ici un lagotto romagnolo.
Le chien «marque» avec sa patte l’endroit où il a senti la truffe, et un chien bien élevé attend que le trufficulteur sorte la truffe de terre, souvent avec un outil qui permet de la dégager sans l’abimer. A chacun son instrument de prédilection : picouloun, piochon, tournevis…
Les chênes plus âgés, comme ici, continueront à porter des truffes pourvu que le trufficulteur les taille et soigne la terre.
Vaison la Romaine
Jean Marie Cheilan et Lys
Si le chien est un allié indispensable, le flair du trufficulteur compte aussi.
Parfois la truffe est profonde, ou le vent a légèrement perturbé le chien, et la truffe reste introuvable. Le trufficulteur cherche alors «au nez» en sentant la terre. La puissance du parfum de la truffe le guide peu à peu vers la truffe, sous l’œil intéressé de son chien.
Si la recherche est infructueuse, le chien reviendra tenter sa chance à son tour. Le cavage est un travail d’équipe.
Saint Saturnin lès Apt
Nicolas Monnier et Junior
Tout se passe au ras du sol. Deux nez face à face à la recherche de la truffe. Un chêne blanc, quelques feuilles, la terre et au centre une petite truffe, enfin trouvée.
Autrefois, les branches basses des truffiers étaient coupées pour faciliter le travail. Aujourd’hui le réchauffement climatique conduit à privilégier l’ombre au pied de l’arbre pour éviter que le soleil ne grille la truffe.
Les chênes blancs garderont leur feuilles mortes jusqu’à l’arrivée des nouvelles au printemps, sauf si le Mistral en décide autrement.
Cabrières d’Avignon
Alain Moine et Bill
L’éducation du chien commence très tôt. Le jeune chiot est habitué au parfum de la truffe, et commence l’apprentissage du jeu : trouver la truffe et être récompensé. Pour cela le chiot doit apprendre au préalable à mémoriser le parfum de la truffe.
Un jour le petit chien est enfin emmené sur une truffière et à lui de comprendre que la truffe est cachée dans le sol. Il la trouve !
Toutes les familles de chiens peuvent être éduquées au cavage, même si les trufficulteurs ont des préférences pour certaines races.
Saint Saturnin lès Apt
Le travail du sol
Tout respire dans le sol. La truffe respire, le mycelium truffier respire, les racines superficielles respirent, la microfaune du sol respire : l’oxygène du sol est fondamental dans la culture de la truffe.
Les outils de travail en tiennent compte : les herses sont déportées et parfois ce sont des chevaux de trait qui effectuent le griffage du sol.
Si la saison du cavage est courte, les trufficulteurs sont constamment dans leurs truffières à l’entretien des terrains, la taille des arbres, la mise en terre des jeunes plants qui ne produiront que 7 à 10 ans plus tard.
Le Vaucluse
Mines de Diamants Noirs
Chênes blancs, chênes verts et lavandins.
Cultures traditionnelles du Vaucluse, l’alternance de lavandin et de truffiers a plusieurs motifs : économiques, pour cumuler deux rapports, et culturaux, le lavandin apportant à la truffe une niche écologique bénéfique.
Cela donne aux truffières du Vaucluse une géométrie colorée caractéristique.
Les premières truffières y ont été plantées vers 1850, après la découverte, par Joseph Talon à Saint Saturnin lès Apt, des liens particuliers entre la tuber melanosporum et le chêne.
Cucuron
Emilie et Fabien Fiorito
Vert et blanc, deux chênes côte à côte.
L’un aidant l’autre, chacun à son moment, ils grandiront ensemble. Racines entremêlées, réunies par le mycélium de la truffe. Loin de se nuire, ils s’épauleront et développeront année après année ce précieux mycélium. Qu’ils nourriront tous deux pendant les six mois de sa croissance.
Déjà présente dans les truffières au siècle dernier, la pratique du double plan retrouve aujourd’hui une actualité grâce aux recherches sur les interactions entre les arbres et les champignons.